David Charlet, ANACOFI Président
Education financière des investisseurs et formation des professionnels du conseil et de l’intermédiation :
la Retail Investment Strategy est elle une révolution et vers quoi nous emmène-t-elle ?
La réforme européenne de l’enseignement aura bientôt 35 ans et depuis bientôt 10 ans des textes imposent des conditions précises de formation annuelle à certains professionnels de nos métiers. Le débat s’est parfois concentré sur la question du contenu, d’autres fois sur le volume et bien entendu, les questions de la preuve du suivi ou de l’acquisition des compétences ont très vite occupé les esprits.
Certification ou diplôme et quelles mentions doivent apparaitre sur une attestation de suivi, sont autant d’interrogation auxquelles, dans chaque Etat Membre, il a fallu répondre. Si les modalités de suivi ont assez rapidement fait l’objet d’une analyse assez commune, les volumes et programmes ont été plus difficiles à harmoniser.
Dans le même temps, avec la complexification des offres et règles de droit, les arnaques ou la diffusion de masse de l’information, une autre nécessité est apparue : le besoin d’améliorer le niveau de compréhension des consommateurs et épargnants. Pour eux comme pour les professionnels le contenu, le format et la preuve de compétences acquises sont vite devenus des thèmes de débat voire, de réglementation ou même de plans nationaux.
C’est dans ce contexte que la « Retail Investment Strategy » (R.I.S.) vient pour la première fois adresser à la fois la formation des professionnels et l’éducation financière des populations.
Si en ce qui concerne les consommateurs et épargnants, on peut regretter le manque d’ambition de la RIS, qui se contente de décréter que les Etats doivent faire leurs meilleurs efforts, du côté des professionnels, elle tranche et devient d’autant plus directive que ce n’est qu’un texte de niveau 1, qui sera complété par d’autres, probablement plus précis.
Il n’est pas neutre que ce texte omnibus amène à ce que IDD comme MIFid imposent chacune 15h de formation annuelle aux professionnels agréés et une certification en matière d’ESG. Cela l’est d‘autant moins que suivra très probablement une révision des Directives sur le Crédit, qui s’intéressent également aux contraintes des professionnels agissant dans ces domaines.
Alors que l’Union Européenne affirmait il y a 35 ans la suprématie des diplômes, la voilà qui met en avant la certification. Alors qu’elle demandait aux Etats membres de démontrer que leur système de formation annuelle de leurs acteurs était adéquat, elle fixe un cadre fondé sur le volume et renvoie clairement aux régulateurs et non plus aux autorités dédiées à l’enseignement et à la formation en général, la charge de la définition dans le temps des contenus et modalités. Même si dans de nombreux Etats il était déjà un fait que les régulateurs avaient pris la main, c’est aujourd’hui un élément qui sera gravé dans le droit dur au niveau le plus élevé.
Dès lors, l’association des professionnels aux décisions des régulateurs devient une impérieuse nécessité. A défaut, non seulement le fonctionnement normal d’un Etat, qui tient compte de sa société civile ne sera plus la règle en matière de formation et d’enseignement qui sera mécaniquement impacté, mais les décisions pourraient ne plus être dictées par le besoin et bien plus par la contrainte de sécurité. Le politique qui veut de l’adéquation mais aussi de l’investissement et de l’innovation, devrait se plier à ce qui est parfaitement normal venant d’un policier ou régulateur : éviter l’accident et traquer les comportements dangereux tels que définis dans les éléments de conformité, qu’au demeurant il concourt maintenant à rédiger.
Nous constatons bien un basculement du pouvoir vers le gendarme qui est aussi très souvent juge. L’importance de la pleine, entière et assurée place dans ses instances, des publics qu’il encadre n’est donc plus à voir comme un chose à éviter car empreinte de conflits d’intérêts. Elle devient une absolue nécessité, permettant de garantir un minimum de prise en compte des avis de ceux à qui ils vont imposer formations et certifications. En France, le système dit de « co-régulation » s’il est correctement appliqué, dans le respect du principe et du sens de la loi, peut probablement être adapté sans révolution du droit. Mais qu’en est-il ailleurs ?
Quoi qu’il en soit, ceux de nos professionnels qui se plaignaient du volume annuel de leurs obligations de formation doivent maintenant comprendre que le débat est clos. Ils devront suivre plus de formation, elles seront formatées, souvent certifiante donc avec des tests sous contraintes et plus ils cumuleront d‘agréments, plus les heures obligatoires s’additionneront.
Tant que les populations de l’Union n’auront pas atteint un niveau de compétence financière suffisant, c’est à ce prix que nous pourrons travailler. Ceci est perçu par nos autorités et par nombre d’entre nous comme une garantie pour le consommateur, épargnant ou investisseur qui est notre client.
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